Une croix blanche au fronton des fermes?

D'où vient elle

Au début du siècle, il existait encore, dans une grande partie de la Vendée, une coutume consistant à peindre à la chaux sur les maisons une croix blanche. Le dessin en était plus ou moins compliqué. Parfois, ces croix étaient accompagnées de signes le plus souvent inexplicables.
Ces croix étaient uniquement dessinées sur des fermes isolées en pleine campagne. Partout où l'on voyait ce signe, on savait que demeuraient là des travailleurs de la terre (sans néanmoins s'expliquer pourquoi ne figurait aucune croix sur les maisons de charrons, de maréchal-ferrant ou d'artisan).
En interrogeant les paysans, on s'aperçut qu'ils ne voyaient dans cette pratique que la représentation de la croix catholique et qu'ils considéraient ces dessins comme une marque extérieure similaire au signe de la croix et destinée à protéger leur maison contre les démons. Mais en fait il s'agissait bien d'une tradition beaucoup plus ancienne, remontant à l'époque de la pierre polie et ayant survécu jusqu'à nos jours. Elle eut d'abord un caractère superstitieux, puis fut remplacée, avec le christianisme (IIIe - IVe siècle après J.-C.) par une sorte de culte religieux qui se substitua petit à petit à elle en la transformant complètement.
On a découvert, sur des rochers, des "signes cruciformes" ayant une certaine ressemblance avec des croix latines et paraissant être des dessins schématiques d'attelages. Ces gravures rupestres représentaient un chariot à quatre roues traîné par deux boeufs. Le chariot - dessiné par un carré ou un rectangle - était pourvu d'un long timon et d'un joug très court; les quatre circonférences ou cercles creux figuraient les deux roues; enfin deux silhouettes de profil suggéraient les boeufs. Très souvent les roues et les boeufs manquaient; il ne subsistait qu'un rectangle surmonté d'un signe cruciforme.
Plus tard, lorsque les hommes préhistoriques (à l'Age du bronze ou du fer) se mirent à construire de vraies maisons en terre ou en argile - plus ou moins analogues à celles que l'on trouve dans le Marais de Monts - ils ne prirent plus la peine de graver, sur les rochers voisins de leurs habitations en forme de hutte, les dessins en question. Ils les placèrent et les dessinèrent sur leurs habitations et, petit à petit, les réduisirent à leur simple expression.

1. Pour les paysans il s'agissait, d'une part, d'une sorte d'enseigne servant à désigner la maison des cultivateurs ou des laboureurs, enseigne prolongeant le dessin stylisé des attelages de boeufs marqué sur les rochers.
   
2. D'autre part, d'un signe tutélaire superstitieux protégeant l'habitation et l'étable contre les mauvais présages (C'est souvent à gauche de la porte, c'est à dire du coté de mauvais augure que l'on peut les voir)
   

Ainsi cette croix apposée sur les fermes du Bocage vendéen n'est pas réellement une vraie croix mais un signe cruciforme réduit à la plus simple expression: Le timon et le joug d'un chariot préhistorique. Cette coutume témoigne de la christianisation d'anciens rites, comparable à celle qui s'est appliquée aux menhirs et aux dolmens, qui datent eux aussi de la fin de la période néolithique, ainsi qu'aux anciens cultes des arbres, des eaux et des pierres en Vendée comme en Bretagne.