Les divers types de divinationLa divination par boulettes de pâteCette méthode est surtout pratiquée dans les monastères, ou
individuellement par les lamas, lorsque des décisions importantes
doivent être prises comme, par exemple, celles qui concernent la
recherche de la réincarnation d'un très grand lama. On inscrit alors
sur des morceaux de papier les réponses possibles à la question posée
(c'est-à-dire les noms des divers candidats pressentis, dans le cas de
la réincarnation d'un grand lama). Ces morceaux de papier sont ensuite
insérés dans des boulettes de pâte en tout point identiques. On prend,
en outre, grand soin de peser chaque boulette afin de vérifier
qu'aucune n'est plus grosse que l'autre.
Les boulettes de pâtes sont ensuite placées dans un bol, qui est
lui-même précautionneusement scellé puis placé devant un objet sacré,
comme la statue de Jowo qui se trouve dans le temple principal de
Lhassa, des représentations des divinités protectrices du Dharma ou les
monuments funéraires de grands lamas. On invoque alors leur aide et
leur inspiration quant à l'issue de la divination. A cet effet, des
moines demeurent dans le temple pendant trois jours et trois nuits pour
réciter des prières. Nul n'a le droit de toucher au bol pendant cette
période. Le quatrième jour, on retire le couvercle du bol devant tous
les témoins présents. Un lama éminent prend alors le bol et, d'un geste
de la main, fait tourner les boulettes qu'il contient devant l'objet
sacré jusqu'à ce que l'une d'entre-elles s'en échappe. C'est cette
boulette qui contient la réponse.
La divination par les désLa divination de Palden Lhamo se déroule avec trois dés dont chaque
face est numérotée de un à six au moyen de points. Lorsque d'autres
divinités président à la divination, les dés peuvent être marqués de
lettres. Ces dés sont faits en os, en bois ou bien encore taillés dans
des conques.
Khamtrul Rinpoché décrit sa méthode de divination par les dés comme
suit :
« Pour qu'une divination soit couronnée de succès, il est essentiel que
les motivations du pratiquant soient pures et que le consultant ait
confiance en ce pratiquant. Il est important qu'ils prient tous deux
les Trois joyaux, leurs lignées ancestrales de lamas et les fondateurs
de ces lignées, ainsi que leurs divinités (principalement Palden Lhamo
et d'autres divinités protectrices du Dharma) afin d'obtenir une
réponse claire. Si je n'entends pas clairement la demande, je demande
au consultant de la répéter. Je me visualise ensuite sous la forme de
ma divinité personnelle, Dorje Shonu ou Vajra Kilaya, et invoque Palden
Lhamo. Comme je la côtoie depuis longtemps, je peux la visualiser
clairement devant moi, et je lui demande de donner une réponse précise
à la personne qui est venue demander conseil. Je lance alors les dés
et, en fonction des chiffres qu'ils indiquent, je consulte un ouvrage
de divination. De nombreux livres de ce genre ont été écrits par de
très grands lamas, et ils contiennent toutes les réponses possibles.
Néanmoins, une fois que l'on s'est familiarisé avec les techniques de
divination, il devient inutile de se référer à ces textes ».
La divination par le rosaireLe pratiquant prie la divinité qu'il invoque afin d'obtenir les
bonnes réponses et il récite les mantras de cette divinité. Il saisit
ensuite son rosaire des deux mains en sélectionnant deux perles au
hasard (l'une se trouvant entre les doigts de sa main droite, l'autre
entre ceux de sa main gauche) de façon à ce qu'elles soient toutefois
séparées par la moitié des perles du rosaire au maximum. Il présente
alors le rosaire à l'horizontale devant lui et rapproche ses mains
l'une de l'autre en progressant par groupes de trois perles jusqu'à ce
qu'elles ne soient plus séparées que par une, deux ou trois perles.
C'est le nombre de perles restantes qui décide de l'issue de la
divination. Cette séquence est effectuée par trois fois.
Lorsqu'il ne reste qu'une seule perle entre les doigts des deux
mains du pratiquant, le résultat reçoit le nom de faucon. Lorsque deux
perles séparent ses mains, il s'agit d'un corbeau. Enfin, le cas où
trois perles subsistent est désigné sous le vocable de lion des neiges.
L'issue de la première séquence traduit l'étendue de l'aide que la
divinité est prête à accorder. Elle indique aussi la valeur globale de
la divination.
Si l'on obtient un faucon lors de cette première séquence, cela
indique que les divinités protectrices sont disposées à accorder leur
assistance, que les initiatives sont placées sous le signe de la
chance, ou encore qu'un procès débouchera sur un verdict favorable. En
revanche, lorsque cette première séquence se traduit par un corbeau,
les divinités protectrices ne sont pas du côté du consultant. La
réussite n'est pas au rendez-vous, un procès risque fort d'être perdu
et le consultant doit se méfier d'ennemis éventuels. Un tel résultat
devrait servir de mise en garde contre toute décision de se lancer dans
une nouvelle entreprise. Si l'on obtient un lion des neiges à l'issue
de cette première séquence, cela signifie que les divinités
protectrices sont avec le consultant, qui devrait donc accomplir ses
desseins lentement mais sûrement, d'autant que les obstacles ou ennemis
éventuels qu'il pourrait rencontrer seraient peu vivaces. Dans le cadre
d'une consultation concernant la réussite éventuelle d'une affaire, un
lion des neiges sera considéré comme un résultat neutre.
Le résultat de la deuxième séquence indique l'atmosphère générale
qui règne dans l'environnement immédiat du consultant. Un faucon est
signe d'auspices favorables, de chance et de réussite, sauf pour ceux
qui souhaitent avoir des enfants. Les risques de vols et de maladies
sont réduits. Un corbeau signale, quant à lui, une maladie grave, de
mauvaises influences qui s'exercent sur la santé du consultant, et un
déclin de la force vitale de ce dernier. Il y a risque de pertes ou de
vols. Quoi qu'il en soit, si le consultant est dans les ordres, ces
aspects négatifs sont réduits.
La troisième séquence renseigne, quant à elle, sur l'arrivée éventuelle
d'un voyageur. Cette rubrique constituait un aspect important de la vie
des Tibétains car les gens voyageaient sans cesse et il n'existait
aucun système de communication à distance. Un faucon indique alors
l'arrivée imminente de nouvelles ou d'un voyageur.
La meilleure combinaison possible est donc une suite de trois
faucons puisqu'elle indique l'arrivée prochaine de voyageurs, le prompt
rétablissement des malades et le succès dans les entreprises.
La divination par les lacetsCe type de divination est très répandu chez les nomades qui nouent
leurs bottes au moyen de lacets plats et larges d'environ deux
centimètres et demi. Ils replient ces lacets l'un sur l'autre de façon
à former des carrés, puis les défont subitement. Si les lacets se
dénouent sans problème, l'augure est favorable ; un noeud, en revanche,
est signe de mauvais présage.
L'interprétation de signes accidentels : lorsqu'un bouddhiste
pratiquant projette de faire une retraite ou la prépare, il peut
interpréter certains signes qui apparaissent dans son environnement
quotidien et y voir des indications concernant ses accomplissements à
venir. Ces signes peuvent être favorables ou défavorables.
Parmi les signes favorables qui indiquent que le pratiquant va
recevoir la bénédiction des Bouddhas et des Bodhisattvas, on compte le
fait d'apercevoir dans le ciel des grues, des oies, des canards, des
cygnes, des faisans, ou d'autres oiseaux de bon augure. Entendre leur
chant est aussi un bon signe, comme le son des tambours, des
instruments à cordes, des flûtes, des gongs, des cloches, ou encore les
voix de gens qui récitent des strophes contenant des mots tels que
« victorieux, accompli, excellent, bonheur, réussite, donner, recevoir,
fructueux, grand, nombreux et glorieux ».
Les signes de mauvais augure qui annoncent des obstacles peuvent
être, entre autres : des singes qui jacassent, des souris qui
chocotent, des loups qui hurlent, des ânes qui braient, ou des buffles
qui mugissent. Un serpent ou un scorpion qui traverse votre chemin est
aussi un mauvais signe, tout comme le fait de croiser des gens en deuil
ou de les entendre prononcer des mots tels que « échec, déclin, mourir,
malade, se débarrasser de quelque chose, hélas, difficile, manqué et
inutile ». Dans de tels cas, le pratiquant devrait interrompre sa
pratique et changer de lieu.
En général, lorsque l'on prépare un voyage ou que l'on désire se
lancer dans quelque entreprise, les signes suivants sont de bon augure
ou annonciateurs de réussite : croiser des hommes, des femmes et des
enfants habillés avec soin, ou encore des femmes enceintes, des vaches
avec leurs veaux, des bhikshus bien habillés, des gens célèbres, (des
Brahmins vêtus de blanc, de belles femmes parées de bijoux, des jeunes
filles qui jouent ensemble, des éléphants, de belles carrioles et des
gens qui arborent des symboles religieux tels que la roue, le vase, le
noeud, le lotus, l'ombrelle ou la bannière.
Les signes suivants annoncent, au contraire, des échecs : rencontrer
des gens mauvais, effrayants, en haillons ou usés par les ans ; ne pas
pouvoir poursuivre sa route à cause d'un obstacle ; voir une maison qui
s'est effondrée, quelque chose prendre feu ou se briser.
Les rêvesCertaines personnes ont un don de clairvoyance onirique qu'elles
peuvent employer pour prédire l'avenir. Leurs rêves prémonitoires ont
habituellement lieu tardivement dans la nuit, juste avant l'aube, et
sont d'une clarté caractéristique.
Comme dans les autres cas de divination, ces rêves sont souvent le
fruit d'une relation particulière avec une divinité et font appel soit
au symbolisme traditionnel, soit au symbolisme personnel du rêveur
(qu'il est, de toute façon, à même d'interpréter aisément).
Pour un pratiquant, les symboles établis d'un grand accomplissement
sont, entre autres, la vision de Bouddhas, de Bodhisattvas, ou de ses
divinités personnelles, et le fait de recevoir des enseignements de
leur part :
- rêver que l'on est assis sur un trône et que l'on porte une
couronne, que l'on prend un bain, que l'on reçoit des vajras et
d'autres accessoires religieux ;
- rêver que l'on est devenu roi, que l'on est en train de lire les
Écritures, que l'on se trouve dans un temple et que l'on est entouré
d'objets sacrés, de tigres, de dragons, de lions, de garudas et de
chevaux, ou encore que l'on s'élève dans le ciel pour côtoyer le soleil
et la lune ;
- rêver que l'on parcourt les quatre continents, que l'on traverse
sans peine des océans à la nage, que l'on voit le soleil et la lune se
lever, que l'on laboure des champs, que l'on se nourrit de produits
laitiers, ou que l'on est assis sur un lotus ;
- rêver que l'on est respecté et estimé par les dieux, par ses parents, ses maîtres spirituels, de belles dames, et des amis ;
- rêver de parcs où abondent les fleurs sauvages, la pluie, les
fruits mûrs, les rois, les ascètes, les Brahmins, les gens aisés, les
maîtres vertueux, les oies et d'autres oiseaux de bon augure.
Le franchissement d'obstacles est annoncé par des rêves d'or, de
trésors, de pierres précieuses, d'armes fiables, de moissons, de
parures, d'armures et de victoires sur ses ennemis.
Quoiqu'ils semblent de prime abord défavorables, les rêves qui
suivent annoncent, en fait, de bons résultats et une victoire remportée
sur les obstacles :
- rêver que l'on se tranche la tête, que l'on mange de la chair
humaine, que l'on se lave dans du sang, que l'on boit de l'alcool, que
l'on se rase la tête, que l'on se brûle, que l'on s'immerge dans les
eaux viciées d'un égout, que l'on encercle la ville de ses propres
entrailles, et que l'on fait l'amour en plein jour.
Les rêves suivants indiquent, en revanche, que des esprits
malveillants s'emploient à nous créer des obstacles : rêver que l'on
rencontre et que l'on se bat avec des tigres, des léopards, des chats,
des chiens, des ânes, des souris, des scorpions, des belettes, des
serpents, des vautours, des chouettes, des nains maigres et nus à la
peau sombre, des bouchers, des enfants pâles et chétifs ou de grands
hommes nus ; rêver de puits qui s'assèchent, de tas d'ossements et de
crânes, et de maisons en ruines.
Les mauvais rêves contiennent généralement les détails suivants :
- rêver que l'on est poursuivi par des soldats, que l'on oint son
corps d'huile végétale, que l'on parle à des éclopés ou à des bossus,
que l'on voit le soleil ou la lune se coucher, que l'on escalade des
dunes ou des montagnes de brindilles, que l'on voit des fleurs rouges
ou le dos d'un chameau, que l'on doit se faufiler par des passages
étroits, que l'on erre dans un marais, que l'on dévale une pente, que
l'on brise les membres de quelqu'un ou les parties de certaines choses,
que l'on est vaincu par les autres et que l'on se livre à des actions
répréhensibles.
Ces rêves indiquent qu'un individu est peu méritant et qu'il aura une vie courte.
En de tels cas, le lama lui conseillera d'accumuler des mérites, de
méditer sur la vacuité, et de se livrer à des offrandes rituelles par
feu paisible avant de reprendre ses activités quelles qu'elles soient.