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 Finette Cendron : Mme d'Aulnoy

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~Dominique~
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MessageSujet: Finette Cendron : Mme d'Aulnoy   Finette Cendron : Mme d'Aulnoy Icon_minitimeMar 13 Nov - 19:32


Finette Cendron

Mme d'Aulnoy



Il était une fois un roi et une reine
qui avaient mal fait leurs affaires. On les chassa de leur royaume. Ils
vendirent leurs couronnes pour vivre, puis leurs habits, leurs linges,
leurs dentelles et tous leurs meubles, pièce à pièce. Les fripiers
étaient las d'acheter, car tous les jours ils vendaient chose nouvelle.
Quand le roi et la reine furent bien pauvres, le roi dit à sa femme :
" Nous voilà hors de notre royaume, nous n'avons plus rien, il
faut gagner notre vie et celle de nos pauvres enfants ; avisez un peu ce
que nous avons à faire, car jusqu'à présent je n'ai su que le métier
de roi, qui est fort doux. "

La reine avait beaucoup d'esprit ; elle lui demanda huit jours pour y
rêver. Au bout de ce temps, elle lui dit :

" Sire, il ne faut point nous affliger ; vous n'avez qu'à faire
des filets dont vous prendrez des oiseaux à la chasse et des poissons
à la pêche. Pendant que les cordelettes s'useront, je filerai pour en
faire d'autres. A l'égard de nos trois filles, ce sont de franches
paresseuses, qui croient être de grandes dames ; elles veulent faire
les demoiselles. Il faut les mener si loin, si loin, qu'elles ne
reviennent jamais ; car il serait impossible que nous puissions leur
fournir assez d'habits à leur gré. "

Le roi commença de pleurer, quand il vit qu'il fallait se séparer de
ses enfants. Il était bon père mais la reine était la maîtresse. Il
demeura donc d'accord de tout ce qu'elle voulait ; il lui dit : "
Levez-vous demain de bon matin, et prenez vos trois filles, pour les
mener où vous jugerez à propos. " Pendant qu'ils complotaient
cette affaire, la princesse Finette qui était la plus petite des
filles, écoutait par le trou de la serrure ; et quand elle eut
découvert le dessein de son papa et de sa maman, elle s'en alla tant
vite qu'elle put à une grande grotte fort éloignée de chez eux, où
demeurait la fée Merluche, qui était sa marraine.

Finette avait pris deux livres de beurre frais, des œufs, du lait et de
la farine pour faire un excellent gâteau à sa marraine, afin d'en
être bien reçue. Elle commença gaîment son voyage ; mais plus elle
allait, plus elle se lassait. Ses souliers s'usèrent jusqu'à la
dernière semelle ; et ses petits pieds mignons s'écorchèrent si fort
que c'était grande pitié ; elle n'en pouvait plus. Elle s'assit sur
l'herbe, pleurant.

Par là passa un beau cheval d'Espagne, tout sellé, tout bridé ; il y
avait plus de diamants à sa housse, qu'il n'en faudrait pour acheter
trois villes ; et quand il vit la princesse, il se mit à paître
doucement auprès d'elle ; ployant le jarret, il semblait lui faire la
révérence ; aussitôt elle le prit par la bride : " Gentil dada,
dit-elle, voudrais-tu bien me porter chez ma marraine la fée ? Tu me
feras un grand plaisir, car je suis si lasse que je vais mourir ; mais
si tu me sers dans cette occasion, je te donnerai de bonne avoine et de
bon foin ; tu auras de la paille fraîche pour te coucher. " Le
cheval se baissa presque à terre devant elle, et la jeune Finette sauta
dessus ; il se mit à courir si légèrement, qu'il semblait que ce fût
un oiseau. Il s'arrêta à l'entrée de la grotte, comme s'il en avait
su le chemin ; et il le savait bien aussi, car c'était Merluche qui,
ayant deviné que sa filleule la voulait venir voir, lui avait envoyé
ce beau cheval.

Quand elle fut entrée, elle fit trois grandes révérences à sa
marraine, et prit le bas de sa robe qu'elle baisa ; et puis elle lui dit
: " Bonjour, ma marraine ; comment vous portez-vous ? voilà du
beurre, du lait, de la farine et des œufs que je vous apporte pour vous
faire un bon gâteau à la mode de notre pays. - Soyez la bien venue,
Finette, dit la fée ; venez que je vous embrasse. "Elle l'embrassa
deux fois, dont Finette resta très joyeuse, car madame Merluche
n'était pas une fée à la douzaine. Elle dit : " Ça, ma
filleule, je veux que vous soyez ma petite femme de chambre ;
décoiffez-moi et me peignez. " La princesse la décoiffa et la
peigna le plus adroitement du monde. " Je sais bien, dit Merluche,
pourquoi vous venez ici ; vous avez écouté le roi et la reine qui
veulent vous mener perdre, et vous voulez éviter ce malheur. Tenez,
vous n'avez qu'à prendre ce peloton, le fil n'en rompra jamais ; vous
attacherez le bout à la porte de votre maison, et vous le tiendrez à
votre main. Quand la reine vous aura laissée, il vous sera aisé de
revenir en suivant le fil. "

La princesse remercia sa marraine, qui lui remplit un sac de beaux
habits, tous d'or et d'argent. Elle l'embrassa ; elle la fit remonter
sur le joli cheval, et en deux ou trois moments, il la rendit à la
porte de la maisonnette de leurs majestés. Finette dit au cheval :
" Mon petit ami, vous êtes beau et très sage ; vous allez plus
vite que le soleil ; je vous remercie de votre peine ; retournez d'où
vous venez. " Elle entra tout doucement dans la maison, cachant son
sac sous son chevet ; elle se coucha sans faire semblant de rien. Dès
que le jour parut, le roi réveilla sa femme : " Allons, allons,
madame, lui dit-il, apprêtez-vous pour le voyage. " Aussitôt elle
se leva, prit ses gros souliers, une jupe courte, une camisole blanche
et un bâton. Elle fit venir l'aînée de ses filles qui s'appelait
Fleur-d'Amour, la seconde Belle-de-Nuit et la troisième Fine-Oreille :
c'est pourquoi on la nommait ordinairement Finette. " J'ai rêvé
cette nuit, dit la reine, qu'il faut que nous allions voir ma sœur,
elle nous régalera bien ; nous mangerons et nous rirons tant que nous
voudrons. " Fleur d'Amour, qui se désespérait d'être dans un
désert, dit à sa mère : " Allons, madame, où il vous plaira,
pourvu que je me promène, il ne m'importe. " Les deux autres en
dirent autant. Elles prennent congé du roi, et les voilà toutes quatre
en chemin. Elles allèrent si loin, si loin, que Fine-Oreille avait
grande peur de n'avoir pas assez de fil, car il y avait près de mille
lieues. Elle marchait toujours derrière ses sœurs, passant le fil
adroitement dans les buissons.

Quand la reine crut que ses filles ne pourraient plus retrouver le
chemin, elle entra dans un grand bois, et leur dit: " Mes petites
brebis, dormez ; je ferai comme la bergère qui veille autour de son
troupeau, crainte que le loup ne le mange. " Elles se couchèrent
sur l'herbe, et s'endormirent. La reine les quitta, croyant ne les
revoir jamais. Finette fermait les yeux, et ne dormait pas. " Si
j'étais une méchante fille, disait-elle, je m'en irais tout à
l'heure, et je laisserais mourir mes sœurs ici, car elles me battent et
m'égratignent jusqu'au sang. Malgré toutes leurs malices, je ne les
veux pas abandonner. "

Elle les réveille, et leur conte toute l'histoire ; elles se mettent à
pleurer, et la prient de les mener avec elle, qu'elles lui donneront
leurs belles poupées, leur petit ménage d'argent, leurs autres jouets
et leurs bonbons. " Je sais assez que vous n'en ferez rien, dit
Finette, mais je n'en serai pas moins bonne sœur " ; et se levant,
elle suivit son fil, et les princesses aussi ; de sorte qu'elles arrivèrent
presque aussitôt que la reine.


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~Dominique~
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MessageSujet: Re: Finette Cendron : Mme d'Aulnoy   Finette Cendron : Mme d'Aulnoy Icon_minitimeMar 13 Nov - 19:33

En s'arrêtant à la porte, elles entendirent que le roi disait : "
J'ai le cœur tout saisi de vous voir revenir seule.

- Bon, dit la reine, nous étions trop embarrassés de nos filles. -
Encore, dit le roi, si vous aviez ramené ma Finette, je me consolerais
des autres, car elles n'aiment rien. " Elles frappèrent, toc, toc.
Le roi dit : " Qui va là?" Elles répondirent : " Ce
sont vos trois filles, Fleur-d'Amour, Belle-de-Nuit, et Fine-Oreille.
" La reine se mit à trembler : " N'ouvrez pas, disait-elle,
il faut que ce soit des esprits, car il est impossible qu'elles fussent
revenues. " Le roi était aussi poltron que sa femme, et il disait
: " Vous me trompez, vous n'êtes point mes filles." Mais
Fine-Oreille, qui était adroite, lui dit : " Mon papa, je vais me
baisser, regardez-moi par le trou du chat, et si je ne suis pas Finette,
je consens d'avoir le fouet. "Le roi regarda comme elle lui avait
dit, et dès qu'il l'eut reconnue, il leur ouvrit. La reine fit semblant
d'être bien aise de les revoir ; elle leur dit qu'elle avait oublié
quelque chose, qu'elle l'était venu chercher ; mais qu'assurément elle
les aurait été retrouver. Elles feignirent de la croire, et montèrent
dans un beau petit grenier où elles couchaient.

" Ça, dit Finette, mes sœurs, vous m'avez promis une poupée,
donnez-la-moi. - Vraiment tu n'as qu'à t'y attendre, petite coquine,
dirent-elles, tu es cause que le roi ne nous regrette pas. "
Là-dessus prenant leurs quenouilles, elles la battirent comme plâtre.
Quand elles l'eurent bien battue, elle se coucha ; et comme elle avait
tant de plaies et de bosses, elle ne pouvait dormir, et elle entendit
que la reine disait au roi : " Je les mènerai d'un autre côté,
encore plus loin, et je suis certaine qu'elles ne reviendront jamais.
" Quand Finette entendit ce complot, elle se leva tout doucement
pour aller voir encore sa marraine. Elle entra dans le poulailler, elle
prit deux poulets et un maître coq, à qui elle tordit le cou, puis
deux petits lapins que la reine nourrissait de choux, pour s'en régaler
dans l'occasion ; elle mit le tout dans un panier, et partit. Mais elle
n'eut pas fait une lieue à tâtons, mourant de peur, que le cheval
d'Espagne vint au galop, ronflant et hennissant ; elle crut que c'était
fait d'elle, que quelques gens d'armes l'allaient prendre. Quand elle
vit le joli cheval tout seul, elle monta dessus, ravie d'aller si à son
aise : elle arriva promptement chez sa marraine.

Après les cérémonies ordinaires, elle lui présenta les poulets, le
coq et les lapins, et la pria de l'aider de ses bons avis, parce que la
reine avait juré qu'elle les mènerait jusqu'au bout du monde. Merluche
dit à sa filleule de ne pas s'affliger ; elle lui donna un sac tout
plein de cendre : " Vous porterez le sac devant vous, lui dit-elle,
vous le secouerez, vous marcherez sur la cendre, et quand vous voudrez
revenir, vous n'aurez qu'à regarder l'impression de vos pas ; mais ne
ramenez point vos sœurs, elles sont trop malicieuses, et si vous les
ramenez, je ne veux plus vous voir. " Finette prit congé d'elle,
emportant, par son ordre, pour trente ou quarante millions de diamants
en une petite boîte, qu'elle mit dans sa poche : le cheval était tout
prêt, et la rapporta comme à l'ordinaire. Au point du jour, la reine
appela les princesses ; elles vinrent , et elle leur dit : " Le roi
ne se porte pas trop bien ; j'ai rêvé cette nuit qu'il faut que
j'aille lui cueillir des fleurs et des herbes en un certain pays où
elles sont fort excellentes, elles le feront rajeunir ; c'est pourquoi
allons-y tout à l'heure. " Fleur-d'Amour et Belle-de-Nuit, qui ne
croyaient pas que leur mère eût encore envie de les perdre,
s'affligèrent de ces nouvelles. Il fallut pourtant partir ; et elles
allèrent si loin, qu'il ne s'est jamais fait un si long voyage.
Finette, qui ne disait mot, se tenait derrière les autres, et secouait
sa cendre à merveille, sans que le vent ni la pluie y gâtassent rien.
La reine étant persuadée qu'elles ne pourraient retrouver le chemin,
remarqua un soir que ses trois filles étaient bien endormies ; elle
prit ce temps pour les quitter, et revint chez elle. Quand il fut jour,
et que Finette connut que sa mère n'y était plus, elle éveilla ses sœurs
: " Nous voici seules, dit-elle, la reine s'en est allée. "
Fleur-d'Amour et Belle-de-Nuit se prirent à pleurer : elles arrachaient
leurs cheveux, et meurtrissaient leur visage à coups de poings. Elles
s'écriaient : "Hélas ! qu'allons-nous faire ? " Finette
était la meilleure fille du monde ; elle eut encore pitié de ses sœurs.
"Voyez à quoi je m'expose, leur dit-elle ; car lorsque ma marraine
m'a donné le moyen de revenir, elle m'a défendu de vous enseigner le
chemin ; et que si je lui désobéissais, elle ne voulait plus me voir.
" Belle-de-Nuit se jette au cou de Finette, autant en fit
Fleur-d'Amour ; elles la caressèrent si tendrement, qu'il n'en fallut
pas davantage pour revenir toutes trois ensemble chez le roi et la
reine.

Leurs majestés furent bien surprises de revoir les princesses ; ils en
parlèrent toute la nuit, et la cadette qui ne se nommait pas
Fine-Oreille pour rien, entendait qu'ils faisaient un nouveau complot,
et que le lendemain, la reine se remettrait en campagne. Elle courut
éveiller ses sœurs. " Hélas ! leur dit-elle, nous sommes
perdues, la reine veut absolument nous mener dans quelque désert, et
nous y laisser. Vous êtes cause que j'ai fâché ma marraine, je n'ose
l'aller trouver comme je faisais toujours. "Elles restèrent bien
en peine, et se disaient l'une à l'autre : "Que ferons-nous ?
" Enfin, Belle-de-Nuit dit aux deux autres : " Il ne faut pas
s'embarrasser, la vieille Merluche n'a pas tant d'esprit qu'il n'en
reste un peu aux autres : nous n'avons qu'à nous charger de pois ; nous
les sèmerons le long du chemin et nous reviendrons. "
Fleur-d'Amour trouva l'expédient admirable ; elles se chargèrent de
pois, elles remplirent leurs poches ; pour Fine-Oreille, au lieu de
prendre des pois, elle prit le sac aux beaux habits, avec la petite
boîte de diamants, et dès que la reine les appela pour partir, elles
se trouvèrent toutes prêtes.

Elle leur dit : " J'ai rêvé cette nuit qu'il y a dans un pays,
qu'il n'est pas nécessaire de nommer, trois beaux princes qui vous
attendent pour vous épouser ; je vais vous y mener, pour voir si mon
songe est véritable. " La reine allait devant et ses filles
après, qui semaient des pois sans s'inquiéter, car elles étaient
certaines de retourner à la maison. Pour cette fois la reine alla plus
loin encore qu'elle n'était allée : mais pendant une nuit obscure,
elle les quitta et revint trouver le roi ; elle arriva fort lasse et
fort aise de n'avoir plus un si grand ménage sur les bras.

Les trois princesses ayant dormi jusqu'à onze heures du matin se
réveillèrent ; Finette s'aperçut la première de l'absence de la
reine ; bien qu'elle s'y fût préparée, elle ne laissa pas de pleurer,
se confiant davantage pour son retour à sa marraine la fée, qu'à
l'habileté de ses sœurs. Elle fut leur dire toute effrayée : "
La reine est partie, il faut la suivre au plus vite. - Taisez-vous,
petite babouine, répliqua Fleur-d'Amour, nous trouverons bien le chemin
quand nous voudrons, vous faites ici ma commère l'empressée mal à
propos. " Finette n'osa répliquer. Mais quand elles voulurent
retrouver le chemin, il n'y avait plus ni traces ni sentiers ; les
pigeons, dont il y a grand nombre en ce pays-là, étaient venus manger
les pois ; elles se mirent à pleurer jusqu'aux cris. Après avoir
resté deux jours sans manger, Fleur-d'Amour dit à Belle-de-Nuit :
" Ma sœur, n'as-tu rien à manger ? - Non ", dit-elle. Elle
dit la même chose à Finette : " Je n'ai rien non plus,
répliqua-t-elle, mais je viens de trouver un gland. - Ha !
donnez-le-moi, dit l'une. - Donnez-le-moi, dit l'autre. " Chacune
le voulait avoir. " Nous ne serons guère rassasiées d'un gland à
nous trois, dit Finette ; plantons-le, il en viendra un autre qui nous
pourra servir. " Elles y consentirent quoiqu'il n'y eût guère
d'apparence qu'il vînt un arbre dans un pays où il n'y en avait point,
on n'y voyait que des choux et des laitues, dont les princesses
mangeaient ; si elles avaient été bien délicates, elles seraient
mortes cent fois ; elles couchaient presque toujours à la belle étoile
; tous les matins et tous les soirs elles allaient tour à tour arroser
le gland, et lui disaient : " Croîs, croîs, beau gland. " Il
commença de croître à vue d'œil. Quand il fut un peu grand,
Fleur-d'Amour voulut monter dessus, mais il n'était pas assez fort pour
la porter ; elle le sentait plier sous elle, aussitôt elle descendit ;
Belle-de-Nuit eut la même aventure ; Finette plus légère s'y tint
longtemps ; et ses sœurs lui demandèrent : " Ne vois-tu rien, ma
sœur ? " Elle leur répondit : "Non, je ne vois rien. - Ah !
c'est que le chêne n'est pas assez haut ", disait Fleur-d'Amour.
De sorte qu'elles continuaient d'arroser le gland et de lui dire :
" Croîs, croîs, beau gland. " Finette ne manquait jamais d'y
monter deux fois par jour : un matin qu'elle y était, Belle-de-Nuit dit
à Fleur-d'Amour : " J'ai trouvé un sac que notre sœur nous a
caché ; qu'est-ce qu'il peut y avoir dedans ? " Fleur-d'Amour
répondit " Elle m'a dit que c'était de vieilles dentelles qu'elle
raccommode, et moi, je crois que c'est du bonbon ", ajouta
Belle-de-Nuit ; elle était friande, et voulut y voir ; elle y trouva
effectivement toutes les dentelles du roi et de la reine, mais elles
servaient à cacher les beaux habits de Finette et la boîte de
diamants. " Hé bien ! se peut-il une plus grande petite coquine,
s'écria-t-elle, il faut prendre tout pour nous, et mettre des pierres
à la place. " Elles le firent promptement. Finette revint sans
s'apercevoir de la malice de ses sœurs, car elle ne s'avisait pas de se
parer dans un désert ; elle ne songeait qu'au chêne qui devenait le
plus beau de tous les chênes.


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MessageSujet: Re: Finette Cendron : Mme d'Aulnoy   Finette Cendron : Mme d'Aulnoy Icon_minitimeMar 13 Nov - 19:34

Une fois qu'elle y monta et que ses sœurs, selon leur coutume, lui
demandèrent si elle ne découvrait rien, elle s'écria : " Je
découvre une grande maison, si belle, si belle que je ne saurais assez
le dire ; les murs en sont d'émeraudes et de rubis, le toit de diamants
: elle est toute couverte de sonnettes d'or, les girouettes vont et
viennent comme le vent. - Tu mens, disaient-elles, cela n'est pas si
beau que tu le dis. - Croyez-moi, répondit Finette, je ne suis pas
menteuse, venez-y plutôt voir vous-mêmes, j'en ai les yeux tout
éblouis. " Fleur-d'Amour monta sur l'arbre : quand elle eut vu le
château, elle ne s'en pouvait taire. Belle-de-Nuit qui était fort
curieuse, ne manqua pas de monter à son tour, elle demeura aussi ravie
que ses sœurs. " Certainement, dirent-elles, il faut aller à ce
palais, peut-être que nous y trouverons de beaux princes qui seront
trop heureux de nous épouser. " Tant que la soirée fut longue,
elles ne parlèrent que de leur dessein, elles se couchèrent sur
l'herbe ; mais lorsque Finette leur parut fort endormie, Fleur-d'Amour
dit à Belle-de-Nuit : " Savez-vous ce qu'il faut faire, ma sœur,
levons-nous et nous habillons des riches habits que Finette a apportés.
- Vous avez raison ", dit Belle-de-Nuit ; elles se levèrent donc,
se frisèrent, se poudrèrent, puis elles mirent des mouches, et les
belles robes d'or et d'argent toutes couvertes de diamants ; il n'a
jamais été rien de si magnifique.

Finette ignorait le vol que ses méchantes sœurs lui avaient fait ;
elle prit son sac dans le dessein de s'habiller, mais elle demeura bien
affligée de ne trouver que des cailloux ; elle aperçut en même temps
ses sœurs qui s'étaient accommodées comme des soleils. Elle pleura et
se plaignit de la trahison qu'elles lui avaient faite ; et elles d'en
rire et de se moquer. " Est-il possible, leur dit-elle, que vous
ayez le courage de me mener au château sans me parer et me faire belle
? - Nous n'en avons pas trop pour nous, répliqua Fleur-d'Amour, tu
n'auras que des coups si tu nous importunes. - Mais, continua-t-elle,
ces habits que vous portez sont à moi, ma marraine me les a donnés,
ils ne vous doivent rien. - Si tu parles davantage, dirent-elles, nous
allons t'assommer, et nous t'enterrerons sans que personne le sache.
" La pauvre Finette n'eut garde de les agacer ; elle les suivait
doucement et marchait un peu derrière, ne pouvant passer que pour leur
servante.

Plus elles approchaient de la maison, plus elle leur semblait
merveilleuse. " Ha ! disaient Fleur-d'Amour et Belle-de-Nuit, que
nous allons nous bien divertir ! que nous ferons bonne chère, nous
mangerons à la table du roi, mais pour Finette elle lavera les
écuelles dans la cuisine, car elle est faite comme une souillon, et si
l'on demande qui elle est, gardons-nous bien de l'appeler notre sœur :
il faudra dire que c'est la petite vachère du village." Finette
qui était pleine d'esprit et de beauté, se désespérait d'être si
maltraitée. Quand elles furent à la porte du château, elles
frappèrent : aussitôt une vieille femme épouvantable leur vint
ouvrir, elle n'avait qu'un œil au milieu du front, mais il était plus
grand que cinq ou six autres, le nez plat, le teint noir et la bouche si
horrible, qu'elle faisait peur ; elle avait quinze pieds de haut et
trente de tour. " 0 malheureuses ! qui vous amène ici ? leur
dit-elle. Ignorez-vous que c'est le château de l'ogre, et qu'à peine
pouvez-vous suffire pour son déjeuner ; mais je suis meilleure que mon
mari ; entrez, je ne vous mangerai pas tout d'un coup, vous aurez la
consolation de vivre deux ou trois jours davantage. " Quand elles
entendirent l'ogresse parler ainsi, elles s'enfuirent, croyant se
pouvoir sauver, mais une seule de ses enjambées en valait cinquante des
leurs ; elle courut après et les reprit, les unes par les cheveux, les
autres par la peau du cou ; et les mettant sous son bras, elle les jeta
toutes trois dans la cave qui était pleine de crapauds et de
couleuvres, et l'on ne marchait que sur les os de ceux qu'ils avaient
mangés.


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MessageSujet: Re: Finette Cendron : Mme d'Aulnoy   Finette Cendron : Mme d'Aulnoy Icon_minitimeMar 13 Nov - 19:35

Comme elle voulait croquer sur-le-champ Finette, elle fut quérir du
vinaigre, de l'huile et du sel pour la manger en salade ; mais elle
entendit venir l'ogre, et trouvant que les princesses avaient la peau
blanche et délicate, elle résolut de les manger toute seule, et les
mit promptement sous une grande cuve où elles ne voyaient que par un
trou.

L'ogre était six fois plus haut que sa femme ; quand il parlait, la
maison tremblait, et quand il toussait, il semblait des éclats de
tonnerre ; il n'avait qu'un grand vilain œil, ses cheveux étaient tout
hérissés, il s'appuyait sur une bûche dont il avait fait une canne ;
il avait dans sa main un panier couvert ; il en tira quinze petits
enfants qu'il avait volés par les chemins, et qu'il avala comme quinze
œufs frais. Quand les trois princesses le virent, elles tremblaient
sous la cuve, elles n'osaient pleurer bien haut, de peur qu'il ne les
entendît ; mais elles s'entredisaient tout bas : " Il va nous
manger tout en vie, comment nous sauverons-nous ? " L'ogre dit à
sa femme : " Vois-tu, je sens chair fraîche, je veux que tu me la
donnes. - Bon, dit l'ogresse, tu crois toujours sentir chair fraîche,
et ce sont tes moutons qui sont passés par là. - Oh, je ne me trompe
point, dit l'ogre, je sens chair fraîche assurément ; je vais chercher
partout. - Cherche, dit-elle, et tu ne trouveras rien. - Si je trouve,
répliqua l'ogre, et que tu me le caches, je te couperai la tête pour
en faire une boule. " Elle eut peur de cette menace, et lui dit :
" Ne te fâche point, mon petit ogrelet, je vais te déclarer la
vérité. Il est venu aujourd'hui trois jeunes fillettes que j'ai
prises, mais ce serait dommage de les manger, car elles savent tout
faire. Comme je suis vieille, il faut que je me repose ; tu vois que
notre belle maison est fort malpropre, que notre pain n'est pas cuit,
que la soupe ne te semble plus si bonne, et que je ne te parais plus si
belle, depuis que je me tue de travailler ; elles seront mes servantes ;
je te prie, ne les mange pas à présent ; si tu en as envie quelque
jour, tu en seras assez le maître. "

L'ogre eut bien de la peine à lui promettre de ne les pas manger tout
à l'heure. Il disait : " Laisse-moi faire, je n'en mangerai que
deux. - Non, tu n'en mangeras pas. - Hé bien, je ne mangerai que la
plus petite. " Et elle disait: " Non, tu n'en mangeras pas
une. " Enfin après bien des contestations, il lui promit de ne les
pas manger. Elle pensait en elle-même : " Quand il ira à la
chasse, je les mangerai, et je lui dirai qu'elles se sont sauvées.
"

L'ogre sortit de la cave, il lui dit de les mener devant lui ; les
pauvres filles étaient presque mortes de peur, l'ogresse les rassura ;
et quand il les vit, il leur demanda ce qu'elles savaient faire ? Elles
répondirent qu'elles savaient balayer, qu'elles savaient coudre et
filer à merveille, qu'elles faisaient de si bons ragoûts, que l'on
mangeait jusques aux plats, que pour du pain, des gâteaux et des
pâtés, l'on en venait chercher chez elles de mille lieues à la ronde.
L'ogre était friand, il dit : " Ça, çà, mettons vite ces bonnes
ouvrières en besogne ; mais, dit-il à Finette, quand tu as mis le feu
au four, comment peux-tu savoir s'il est assez chaud ? - Monseigneur,
répliqua-t-elle, j'y jette du beurre, et puis j'y goûte avec la
langue. - Hé bien, dit-il, allume donc le four. " Ce four était
aussi grand qu'une écurie, car l'ogre et l'ogresse mangeaient plus de
pain que deux armées. La princesse y fit un feu effroyable, il était
embrasé comme une fournaise, et l'ogre qui était présent, attendant
le pain tendre, mangea cent agneaux et cent petits cochons de lait.
Fleur-d'Amour et Belle-de-Nuit accommodaient la pâte. Le maître ogre
dit : " Hé bien, le four est-il chaud ? " Finette répondit :
" Monseigneur, vous l'allez voir. " Elle jeta devant lui mille
livres de beurre au fond du four, et puis elle dit : " Il faut
tâter avec la langue, mais je suis trop petite. - Je suis grand, "
dit l'ogre, et se baissant, il s'enfonça si avant qu'il ne pouvait plus
se retirer, de sorte qu'il brûla jusqu'aux os. Quand l'ogresse vint au
four, elle demeura bien étonnée de trouver une montagne de cendre des
os de son mari.

Fleur-d'Amour et Belle-de-Nuit, qui la virent fort affligée, la
consolèrent de leur mieux ; mais elles craignaient que sa douleur ne
s'apaisât trop tôt, et que l'appétit lui venant, elle ne les mît en
salade, comme elle avait déjà pensé faire. Elles lui dirent : "
Prenez courage, madame, vous trouverez quelque roi ou quelque marquis,
qui seront heureux de vous épouser. " Elle sourit un peu, montrant
des dents plus longues que le doigt. Lorsqu'elles la virent de bonne
humeur, Finette lui dit : " Si vous vouliez quitter ces horribles
peaux d'ours, dont vous êtes habillée, vous mettre à la mode, nous
vous coifferions à merveille, vous seriez comme un astre. - Voyons,
dit-elle, comme tu l'entends ; mais assure-toi que s'il y a quelques
dames plus jolies que moi, je te hacherai menu comme chair à pâté.
" Là-dessus les trois princesses lui ôtèrent son bonnet, et se
mirent à la peigner et la friser ; en l'amusant de leur caquet, Finette
prit une hache, et lui donna par derrière un si grand coup, qu'elle
sépara son corps d'avec sa tête.

Il ne fut jamais une telle allégresse ; elles montèrent sur le toit de
la maison pour se divertir à sonner les clochettes d'or, elles furent
dans toutes les chambres, qui étaient de perles et de diamants, et les
meubles si riches qu'elles mouraient de plaisir ; elles riaient et
chantaient, rien ne leur manquait, du blé, des confitures, des fruits
et des poupées en abondance. Fleur-d'Amour et Belle-de-Nuit se
couchèrent dans des lits de brocart et de velours, et s'entredirent :
" Nous voilà plus riches que n'était notre père, quand il avait
son royaume, mais il nous manque d'être mariées, il ne viendra
personne ici, cette maison passe assurément pour un coupe-gorge, car on
ne sait point la mort de l'ogre et de l'ogresse. Il faut que nous
allions à la plus prochaine ville nous faire voir avec nos beaux habits
; et nous n'y serons pas longtemps sans trouver de bons financiers qui
seront bien aises d'épouser des princesses. "

Dès qu'elles furent habillées, elles dirent à Finette qu'elles
allaient se promener, qu'elle demeurât à la maison à faire le ménage
et la lessive, et qu'à leur retour tout fût net et propre ; que si
elle y manquait, elles l'assommeraient de coups. La pauvre Finette qui
avait le cœur serré de douleur, resta seule au logis, balayant,
nettoyant, lavant sans se reposer, et toujours pleurant. " Que je
suis malheureuse, disait-elle, d'avoir désobéi à ma marraine, il m'en
arrive toutes sortes de disgrâces ; mes sœurs m'ont volé mes riches
habits ; ils servent à les parer ; sans moi, l'ogre et sa femme se
porteraient encore bien ; de quoi me profite de les avoir fait mourir ?
N'aimerais-je pas autant qu'ils m'eussent mangée que de vivre comme je
vis ? " Quand elle avait dit cela, elle pleurait à étouffer, puis
ses sœurs arrivaient chargées d'oranges de Portugal, de confitures, de
sucre, et elles lui disaient : " Ah ! que nous venons d'un beau bal
! qu'il y avait de monde ! le fils du roi y dansait ; l'on nous a fait
mille honneurs : allons, viens nous déchausser et nous décrotter, car
c'est là ton métier. " Finette obéissait ; et si par hasard elle
voulait dire un mot pour se plaindre, elles se jetaient sur elle, et la
battaient à la laisser pour morte.


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MessageSujet: Re: Finette Cendron : Mme d'Aulnoy   Finette Cendron : Mme d'Aulnoy Icon_minitimeMar 13 Nov - 19:40

Le lendemain encore elles retournaient et revenaient conter des
merveilles. Un soir que Finette était assise proche du feu sur un
monceau de cendres, ne sachant que faire, elle cherchait dans les fentes
de la cheminée ; et cherchant ainsi elle trouva une petite clé si
vieille et si crasseuse, qu'elle eut toutes les peines du monde à la
nettoyer. Quand elle fut claire, elle connut qu'elle était d'or, et
pensa qu'une clé d'or devait ouvrir un beau petit coffre ; elle se mit
aussitôt à courir par toute la maison, essayant la clé aux serrures,
et enfin elle trouva une cassette qui était un chef-d’œuvre. Elle
l'ouvrit : il y avait dedans des habits, des diamants, des dentelles, du
linge, des rubans pour des sommes immenses : elle ne dit mot de sa bonne
fortune ; mais elle attendit impatiemment que ses sœurs sortissent le
lendemain. Dès qu'elle ne les vit plus, elle se para, de sorte qu'elle
était plus belle que le soleil.

Ainsi ajustée, elle fut au même bal où ses sœurs dansaient ; et
quoiqu'elle n'eût point de masque, elle était si changée en mieux,
qu'elles ne la reconnurent pas. Dès qu'elle parut dans l'assemblée, il
s'éleva un murmure de voix, les unes d'admiration, et les autres de
jalousie. On la prit pour danser, elle surpassa toutes les dames à la
danse, comme elle les surpassait en beauté. La maîtresse du logis vint
à elle, et lui ayant fait une profonde révérence, elle la pria de lui
dire comment elle s'appelait, afin de ne jamais oublier le nom d'une
personne si merveilleuse. Elle lui répondit civilement qu'on la nommait
Cendron. Il n'y eut point d'amant qui ne fût infidèle à sa maîtresse
pour Cendron, point de poète qui ne rimât en Cendron ; jamais petit
nom ne fit tant de bruit en si peu de temps ; les échos ne répétaient
que les louanges de Cendron ; l'on n'avait pas assez d'yeux pour la
regarder, assez de bouche pour la louer.

Fleur-d'Amour et Belle-de-Nuit, qui avaient fait d'abord grand fracas
dans les lieux où elles avaient paru, voyant l'accueil que l'on faisait
à cette nouvelle venue, en crevaient de dépit ; mais Finette se
démêlait de tout cela de la meilleure grâce du monde ; il semblait,
à son air, qu'elle n'était faite que pour commander. Fleur-d'Amour et
Belle-de-Nuit, qui ne voyaient leur sœur qu'avec de la suie de cheminée
sur le visage, et plus barbouillée qu'un petit chien, avaient si fort
perdu l'idée de sa beauté, qu'elles ne la reconnurent point du tout ;
elles faisaient leur cour à Cendron comme les autres. Dès qu'elle
voyait le bal prêt à finir, elle sortait vite, revenait à la maison,
se déshabillait en diligence, reprenait ses guenilles ; et quand ses sœurs
arrivaient : " Ah ! Finette, nous venons de voir, lui
disaient-elles, une jeune princesse qui est toute charmante ; ce n'est
pas une guenuche comme toi ; elle est blanche comme la neige, plus
vermeille que les roses ; ses dents sont de perles, ses lèvres de
corail ; elle a une robe qui pèse plus de mille livres, ce n'est qu'or
et diamants : qu'elle est belle ! qu'elle est aimable ! " Finette
répondait entre ses dents : " Ainsi j'étais, ainsi j'étais. -
Qu'est-ce que tu bourdonnes ? ", disaient-elles. Finette
répliquait encore plus bas : " Ainsi j'étais. " Ce petit jeu
dura longtemps ; il n'y eut presque pas de jour que Finette ne changeât
d'habits, car la cassette était fée, et plus on y en prenait, plus il
en revenait, et si fort à la mode, que les dames ne s'habillaient que
sur son modèle.



Un soir que Finette avait plus dansé qu'à l'ordinaire, et qu'elle
avait tardé assez tard à se retirer, voulant réparer le temps perdu
et arriver chez elle un peu avant ses sœurs, en marchant de toute sa
force, elle laissa tomber une de ses mules, qui était de velours rouge,
toute brodée de perles. Elle fit son possible pour la retrouver dans le
chemin ; mais le temps était si noir, qu'elle prit une peine inutile ;
elle rentra au logis, un pied chaussé et l'autre nu.

Le lendemain le prince Chéri, fils aîné du roi, allant à la chasse,
trouve la mule de Finette ; il la fait ramasser, la regarde, en admire
la petitesse et la gentillesse, la tourne, retourne, la baise, la
chérit et l'emporte avec lui. Depuis ce jour-là, il ne mangeait plus ;
il devenait maigre et changé, jaune comme un coing, triste, abattu. Le
roi et la reine, qui l'aimaient éperdument, envoyaient de tous côtés
pour avoir de bon gibier et des confitures ; c'était pour lui moins que
rien ; il regardait tout cela sans répondre à la reine, quand elle lui
parlait. L'on envoya quérir des médecins partout, même jusqu'à Paris
et à Montpellier. Quand ils furent arrivés, on leur fit voir le
prince, et après l'avoir considéré trois jours et trois nuits sans le
perdre de vue, ils conclurent qu'il était amoureux, et qu'il mourrait
si l'on n'y apportait remède.


La reine, qui l'aimait à la folie, pleurait à fondre en eau, de ne
pouvoir découvrir celle qu'il aimait, pour la lui faire épouser. Elle
amenait dans sa chambre les plus belles dames, il ne daignait pas les
regarder. Enfin elle lui dit une fois : " Mon cher fils, tu veux
nous faire étouffer de douleur, car tu aimes, et tu nous caches tes
sentiments ; dis-nous qui tu veux, et nous te la donnerons, quand ce ne
serait qu'une simple bergère. " Le prince, plus hardi par les
promesses de la reine, tira la mule de dessous son chevet, et l'ayant
montrée : " Voilà, madame, lui dit-il, ce qui cause mon mal ;
j'ai trouvé cette petite pouponne, mignonne, jolie mule en allant à la
chasse ; je n'épouserai jamais que celle qui pourra la chausser. - Hé
bien, mon fils, dit la reine, ne t'afflige point, nous la ferons
chercher. " Elle fut dire au roi cette nouvelle ; il demeura bien
surpris, et commanda en même temps que l'on fût avec des tambours et
des trompettes, annoncer que toutes les filles et les femmes vinssent
pour chausser la mule, et que celle à qui elle serait propre,
épouserait le prince. Chacune ayant entendu de quoi il était question,
se décrassa les pieds avec toutes sortes d'eaux, de pâtes et de
pommades. Il y eut des dames qui se les firent peler, pour avoir la peau
plus belle ; d'autres jeûnaient ou se les écorchaient afin de les
avoir plus petits. Elles allaient en foule essayer la mule, une seule ne
la pouvait mettre et plus il en venait inutilement, plus le prince
s'affligeait.


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MessageSujet: Re: Finette Cendron : Mme d'Aulnoy   Finette Cendron : Mme d'Aulnoy Icon_minitimeMar 13 Nov - 19:41

Fleur-d'Amour et Belle-de-Nuit se firent un jour si braves, que c'était
une chose étonnante. " Où allez-vous donc? leur dit Finette. -
Nous allons à la grande ville, répondirent-elles, où le roi et la
reine demeurent, essayer la mule que le fils du roi a trouvée ; car si
elle est propre à l'une de nous deux, il l'épousera, et nous serons
reines. - Et moi, dit Finette, n'irai-je point ? - Vraiment,
dirent-elles, tu es un bel oison bridé : va, va arroser nos choux, tu
n'es propre à rien. "


Finette songea aussitôt qu'elle mettrait ses plus beaux habits, et
qu'elle irait tenter l'aventure comme les autres, car elle avait quelque
petit soupçon qu'elle y aurait bonne part ; ce qui lui faisait de la
peine, c'est qu'elle ne savait pas le chemin, le bal où l'on allait
danser n'était point dans la grande ville. Elle s'habilla
magnifiquement ; sa robe était de satin bleu, toute couverte d'étoiles
et de diamants ; elle avait un soleil sur la tête, une pleine lune sur
le dos ; tout cela brillait si fort, qu'on ne la pouvait regarder sans
clignoter les yeux. Quand elle ouvrit la porte pour sortir elle resta
bien étonnée de trouver le joli cheval d'Espagne qui l'avait portée
chez sa marraine. Elle le caressa et lui dit : " Sois le bien venu,
mon petit dada ; je suis obligée à ma marraine Merluche. " Il se
baissa ; elle s'assit dessus comme une nymphe. Il était tout couvert de
sonnettes d'or et de rubans ; sa housse et sa bride n'avaient point de
prix ; et Finette était trente fois plus belle que la belle Hélène.


Le cheval d'Espagne allait légèrement, ses sonnettes faisaient din,
din, din. Fleur-d'Amour et Belle-de-Nuit les ayant entendues, se
retournèrent et la virent venir ; mais dans ce moment quelle fut leur
surprise ? Elles la reconnurent pour être Finette Cendron. Elles
étaient fort crottées, leurs beaux habits étaient couverts de boue :
"Ma sœur, s'écria Fleur-d'Amour, en parlant à Belle-de-Nuit, je
vous proteste que voici Finette Cendron " ; l'autre s'écria tout
de même, et Finette passant près d'elles, son cheval les éclaboussa,
et leur fit un masque de crotte : elle se prit à rire, et leur dit :
" Altesses, Cendrillon vous méprise autant que vous le méritez
" ; puis passant comme un trait, la voilà partie. Belle-de-Nuit et
Fleur-d'Amour s'entre-regardèrent. " Est-ce que nous rêvons ?
disaient-elles ; qui est-ce qui peut avoir fourni des habits et un
cheval à Finette ? Quelle merveille le bonheur lui en veut, elle va
chausser la mule, et nous n'aurons que la peine d'un voyage inutile."

Pendant qu'elles se désespéraient, Finette arrive au palais ; dès
qu'on la vit, chacun crut que c'était une reine, les gardes prennent
leurs armes, l'on bat le tambour, l'on sonne la trompette, l'on ouvre
toutes les portes, et ceux qui l'avaient vue au bal, allaient devant
elle, disant : " Place, place, c'est la belle Cendron, c'est la
merveille de l'univers. " Elle entre avec cet appareil dans la
chambre du prince mourant ; il jette les yeux sur elle, et demeure
charmé, souhaitant qu'elle eût le pied assez petit pour chausser la
mule : elle la mit tout d'un coup et montra la pareille, qu'elle avait
apportée exprès. En même temps l'on crie: " Vive la princesse
Chérie, vive la princesse qui sera notre reine ! " Le prince se
leva de son lit, il vint lui baiser les mains, elle le trouva beau et
plein d'esprit : il lui fit mille amitiés. L'on avertit le roi et la
reine, qui accoururent ; la reine prend Finette entre ses bras,
l'appelle sa fille, sa mignonne, sa petite reine, lui fait des présents
admirables, sur lesquels le roi libéral renchérit encore. L'on tire le
canon ; les violons, les musettes, tout joue ; l'on ne parle que de
danser et de se réjouir.

Le roi, la reine et le prince prient Cendron de se laisser marier :
" Non, dit-elle, il faut avant que je vous conte mon histoire
" ; ce qu'elle fit en quatre mots. Quand ils surent qu'elle était
née princesse, c'était bien une autre joie, il tint à peu qu'ils n'en
mourussent ; mais lorsqu'elle leur dit le nom du roi son père, de la
reine sa mère, ils reconnurent que c'étaient eux qui avaient conquis
leur royaume : ils le lui annoncèrent ; et elle jura qu'elle ne
consentirait point à son mariage, qu'ils ne rendissent les états de
son père ; ils le lui promirent, car ils avaient plus de cent royaumes,
un de moins n'était pas une affaire.

Cependant Belle-de-Nuit et Fleur-d'Amour arrivèrent. La première
nouvelle fut que Cendron avait mis la mule, elles ne savaient que faire,
ni que dire, elles voulaient s'en retourner sans la voir ; mais quand
elle sut qu'elles étaient là, elle les fit entrer, et au lieu de leur
faire mauvais visage, et de les punir comme elles le méritaient, elle
se leva, et fut au devant d'elles les embrasser tendrement, puis elle
les présenta à la reine, lui disant : "Madame, ce sont mes sœurs
qui sont fort aimables, je vous prie de les aimer. " Elles demeurèrent
si confuses de la bonté de Finette, qu'elles ne pouvaient proférer un
mot. Elle leur promit qu'elles retourneraient dans leur royaume, que le
prince le voulait rendre à leur famille. A ces mots, elles se jetèrent
à genoux devant elle, pleurant de joie.

Les noces furent les plus belles que l'on eût jamais vues. Finette
écrivit à sa marraine, et mit sa lettre avec de grands présents sur
le joli cheval d'Espagne, la priant de chercher le roi et la reine, de
leur dire son bonheur, et qu'ils n'avaient qu'à retourner dans leur
royaume.

La fée Merluche s'acquitta fort bien de cette commission. Le père et
la mère de Finette revinrent dans leurs états, et ses sœurs furent
reines aussi bien qu'elle.
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Kali.SsBbw
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MessageSujet: Re: Finette Cendron : Mme d'Aulnoy   Finette Cendron : Mme d'Aulnoy Icon_minitimeJeu 15 Nov - 18:33

Very Happy
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MessageSujet: Re: Finette Cendron : Mme d'Aulnoy   Finette Cendron : Mme d'Aulnoy Icon_minitime

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