Cela faisait deux ans que Frances Kinley-Manton vivait avec des douleurs articulaires aux hanches la contraignant à garder sa chaise roulante. Une prothèse de hanche lui était refusée, les médecins du service public jugeant cette femme trop grosse pour être opérée. "Ils n'avaient même pas voulu m'inscrire sur liste d'attente", se souvient-elle.
Incapable de perdre les 15kg réclamés, cette Écossaise de 68 ans pesant 98kg a choisi d'hypothéquer sa maison pour se payer une intervention chirurgicale sur l'île méditerranéenne de Malte. Sa première opération, pratiquée en juillet, a été une telle réussite qu'elle attend la pose d'une prothèse sur la seconde hanche. "Je n'avais pas le choix", a-t-elle déclaré lors d'une interview par téléphone depuis Malte. "La NHS (les services de santé britanniques) ne voulaient pas m'opérer parce qu'ils me trouvaient trop grosse mais je pense qu'ils voulaient juste limiter leurs dépenses".
Depuis la première opération, Frances Kinley-Manton dit avoir perdu 5kg: elle peut marcher plus, est moins dépendante de sa chaise roulante. Les organisations de protection des patients soulignent que les cas de personnes se voyant refuser des opérations non vitales en raison de leur surpoids sont probablement de plus en plus fréquents, à en juger par les plaintes. Il n'existe cependant pas de statistiques. Les médecins, eux, mettent en avant les risques pour la santé. Les personnes obèses (dont l'indice de masse corporelle IMC est égal ou supérieur à 30) sont statistiquement plus exposées à des complications pour toutes les interventions. En chirurgie orthopédique, dans certains cas, ce risque peut être cinq fois plus élevé que pour une personne de poids normal.
En Grande-Bretagne, certains praticiens estiment donc apparemment qu'au-dessus d'un IMC de 30, la chirurgie orthopédique deviendrait risquée. Deux des médecins écossais de Mme Kinley-Manton ont déclaré que les interventions non essentielles étaient souvent refusées aux patients présentant un IMC de 35 ou plus. Aux États-Unis, les chirurgiens paraissent plus cléments. Un chirurgien orthopédiste a jugé que le seuil critique se situait à 40, correspondant à une "obésité morbide".
Mme Kinley-Manton affichait un IMC de 35, soit environ 15kg au-dessus de l'indice 30, quand elle a demandé à être opérée la première fois mais les médecins maltais se sont étonnés de ce que l'on argue de son poids pour ne pas l'opérer. Sa prothèse de hanche a coûté environ 10 000 euros. "Il est clair que certains hôpitaux déficitaires prennent des décisions sans fondement médical", juge Michael Summers, porte-parole de l'Association des patients britanniques. "C'est une tendance très inquiétante."
"Pour une prothèse de hanche, si le patient est obèse, le médecin peut ne pas voir tout ce qu'il a besoin de voir", argumente le Dr Timothy Bhattacharyya, chirurgien orthopédiste à l'Hôpital général du Massachusetts et porte-parole de l'Académie américaine des chirurgiens orthopédistes. Sans compter les problèmes techniques. Car installer correctement un patient obèse sur une table d'opération et poser la prothèse au bon endroit n'est pas facile, dit-il. Les obèses sont par ailleurs plus susceptibles de souffrir de complications respiratoires -infections, pneumonies. Leur convalescence dure plus longtemps, et leur prothèse peut s'user plus vite du fait du poids de charge.
Pour le Dr Denis Collet du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux (Gironde), il est important pour les obèses de perdre du poids, l'opération pouvant dans le cas contraire échouer. En Italie et en Suède, les autorités sanitaires affirment ne pas s'opposer à la chirurgie des personnes obèses.
Mer 21 Nov - 20:40
mais où va t on !!!