"Pot" de Poivre d'Arvor à TF1: un cocktail au goût amer

Un "pot" pas comme les
autres mercredi à TF1, celui de Patrick Poivre d'Arvor: donné partant
du journal télévisé de 20h00, le journaliste vedette a préféré parler
de son amour des livres, d'indépendance journalistique, mais aussi de
Nicolas Sarkozy et de Saint-Exupéry.

"PPDA" avait commandé de longue date champagne et petits fours pour
fêter les 20 ans des émissions littéraires qu'il anime sur TF1: "Ex
Libris", devenu entretemps "Vol de Nuit".

Mais l'actualité l'a rattrapé, avec l'annonce, par médias
interposés, de son remplacement à la rentrée par Laurence Ferrari,
étoile montante du journalisme télévisé débauchée de Canal +.

L'information, que la direction de TF1 se refuse toujours à
commenter, était omniprésente dans les esprits quand Poivre d'Arvor a
pris la parole, pour rendre hommage "à tous ceux qui se battent en
permanence".
Dans l'auditorium de TF1 plein comme un oeuf, le
journaliste-écrivain fait référence aux animateurs d'émissions de
télévision littéraires menacées de disparition faute d'audiences jugées
satisfaisantes.

Mais les allusions répétées de "PPDA" à la nécessaire "résistance"
sont forcément interprétées à l'aune de ses déboires actuels avec la
direction de TF1.

D'autant que le journaliste enfonce le clou en indiquant avoir été
"viré pour insolence, bizarre...", de la section radio de l'école de
journalisme où il a fait ses premières armes. "Déjà !", s'exclame,
goguenard, dans la foule Franz-Olivier Giesbert, directeur du Point et
alors condisciple de "PPDA".

Patrick Poivre d'Arvor évoque le mélange des genres qu'il s'efforce
de promouvoir dans son émission littéraire. "C'est important pour moi
de dire que la littérature est pour tout le monde: c'est grâce à elle
qu'on devient grand, qu'on s'enrichit".

Mais en creux, le journaliste multiplie aussi les références à son
départ attendu du JT, et aux raisons, réelles ou supposées, qui le
sous-tendraient.
Un journaliste usé, à 60 ans, par 21 ans de présentation de JT ?
"Vous avez vu, je n'avais pas besoin de prompteur, ni de notes, pour
faire mon petit discours", se rengorge ensuite le journaliste devant
quelques confrères.

Une intervention de Nicolas Sarkozy, hypothèse évoquée par des
médias et des parlementaires de gauche, mais tournée en dérision par
l'UMP ? Poivre d'Arvor revient sur l'interview au cours de laquelle il
avait qualifié M. Sarkozy de "petit garçon", cite Saint-Exupéry pour sa
défense, et se drape dans son souci "d'indépendance".

"J'ai eu droit au qualificatif d'insolence dans la bouche d'un
certain nombre de présidents de la République, parfois en direct,
parfois en off", glisse-t-il ensuite lors d'un point presse improvisé.

Les changements en cours dans la hiérarchie rédactionnelle de TF1
suscitent il est vrai l'émoi d'un certain nombre de journalistes, mais
selon l'un d'eux, interrogé sous couvert d'anonymat, l'inquiétude porte
moins sur le départ de PPDA que sur la succession de Robert Namias à la
direction de l'information.

Vétéran de TF1 lui aussi menacé de départ forcé, Robert Namias est
d'ailleurs le seul dirigeant de la chaîne privée à honorer de sa
présence le "pot" de PPDA, qui fait mine de ne pas s'en formaliser.

"Poivre" se veut au dessus de tout cela, et conclut en citant, à
nouveau, Saint-Exupéry dans Vol de Nuit: "victoire, défaite, ces mots
n'ont point de sens". Applaudissements, très longs et très nourris: ce
n'était décidément pas un cocktail comme les autres.