Le massacre La nuit de la Saint-Barthélemy Le massacre de la Saint-Barthélemy par Giorgio Vasari, 1572-1573
La tentative d'assassinat de Coligny est l'événement déclencheur de la
crise qui va mener au massacre. Les protestants protestent contre cet
attentat contre leur chef le plus respecté, et réclament vengeance. La
capitale est au bord de la guerre civile entre les partisans des Guise
et les partisans des Montmorency.
Pour rassurer Coligny et les protestants, le roi vient avec sa cour au chevet du blessé, et lui promet justice. Devant la reculade du roi face aux protestants, les Guise font mine de quitter la capitale laissant le roi et la reine mère dans le plus grand désarroi. Charles IX et Catherine de Médicis
prennent peur de se retrouver seul avec les protestants. Depuis la
surprise de Meaux en 1567, la reine mère a toujours eu la plus grande
appréhension à l'égard des protestants. Pendant le repas de la
reine-mère, des protestants viennent bruyamment lui réclamer justice.
C'est le soir même, que Catherine aurait tenu une réunion aux Tuileries avec
ses conseillers. S'y trouvent le maréchal de Tavannes, le baron de
Retz, René de Birague et Louis de Gonzague.
Il n'existe aucun document permettant d'affirmer avec certitude que la
décision d'abattre les principaux chefs militaires protestants ait été prise lors de cette réunion.
Selon l’historiographie traditionnelle, Catherine de Médicis alla voir le roi
le soir du 23 août et lui parla d'un complot protestant. On admet aujourd'hui plusieurs hypothèses.
Charles IX décida l'élimination des chefs protestants, sans que l'on ait de preuve que sa mère l'ait conseillé dans ce sens. Il épargna les princes du sang, Henri de Navarre et le prince de Condé.
Selon la tradition, il se serait écrié de colère, sous les conseils répétitifs de sa mère, excédé : « Eh bien soit ! Qu’on les tue ! Mais qu’on les tue tous ! Qu’il n’en reste plus un pour qu’on ne puisse me le reprocher ! ».
Peu de temps après cette décision, les autorités municipales de Paris furent
convoquées. Il leur fut ordonné de fermer les portes de la ville et d'armer les bourgeois afin de prévenir toute tentative de soulèvement.
Il est aujourd'hui difficile de déterminer la chronologie des évènements et de connaître le moment exact où commença la tuerie.
Un signal fut donné, semble-t-il, par la sonnerie de matines (au sens
strict, entre minuit et l'aube), à la cloche de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, proche du Louvre et paroisse des rois de
France. Auparavant, les nobles protestants furent chassés du palais du
Louvre puis massacrés dans les rues.
L'amiral de Coligny fut tiré de son lit, achevé et défenestré. Les corps sont traînés dans les rues et rassemblés dans la cour du Louvre.
Au petit matin, le peuple, découvrant le massacre, se mit à pourchasser
les protestants dans toute la ville. Le massacre dura plusieurs jours, malgré les tentatives du roi pour le faire arrêter. Les étudiants étrangers, les libraires, les changeurs sont massacrés par le peuple, encouragé par les prêtres ; les cadavres sont jetés dans la Seine.
Celui de Coligny, retrouvé par la foule, est émasculé, plongé dans la
Seine, où il pourrit trois jours avant d’être pendu au gibet de Montfaucon (crime rituel selon Mandrou et Estèbe).
Au cimetière des Saints-Innocents, ce dimanche 24 août 1572 à midi, un
buisson d'aubépine, desséché depuis des mois, se met à reverdir près d'une image de la Vierge. A la rumeur du prodige, les gavroches en transes accourent, des femmes sont hystérique car ils l'interprètent comme le signe de la bénédiction divine à ces multiples meurtres.
Le massacre des protestants ne fut pas général. Nombre d'entre eux était
des familiers de la famille royale ou du clan des Guise. Pour se protéger de la furie populaire, plusieurs groupes de protestants vinrent chercher une protection à l’hôtel de Guise ou à celui de sa mère la duchesse de Nemours, où la duchesse de Ferrare Renée de France s’est réfugiée avec ses serviteurs.
D’autres sont restés au Louvre auprès de la famille royale. C’est le cas de la duchesse d'Uzès, amie de Catherine de Médicis et des princes et des princesses de sang.
Les protestants présents à Paris le 24 août qui survécurent sont surtout ceux qui logeaient hors de la ville, dans le faubourg Saint-Germain.
La saison des Saint-Barthélemy Quoi qu'il en fût, le 26 août, le roi tint un lit de justice où il endossa la responsabilité du massacre. Il déclara alors qu'il avait voulu :
« prévenir l'exécution d'une malheureuse et détestable conspiration faite par ledit amiral, chef et auteur d'icelle et sesdits adhérents et complices en la personne dudit seigneur roi et contre son État, la reine sa mère, MM. ses frères, le roi de Navarre, princes et seigneurs étant près d'eux. »
Mais le massacre de la Saint-Barthélemy fut suivi par bien d'autres : il dure toute une saison, selon l’expression de Michelet.
Averties par des témoins, des courriers de commerçants, encouragées par
des agitateurs comme le comte de Montsoreau dans le val de Loire[4], les
villes de province déclenchèrent leurs propres massacres. Le 25 août, la tuerie atteint Orléans (où elle aurait fait un millier de victimes) et Meaux ; le 26, La Charité-sur-Loire ; le 28 et 29, à Angers et Saumur ; le 31 août, à Lyon ; le 11 septembre, à Bourges ; le 3 octobre, à Bordeaux ; le 4 octobre à Troyes, Rouen, Toulouse ; le 5 octobre, à Albi, Gaillac ; Bourges, Romans, Valence, Orange, furent aussi touchées. On manque de sources pour reconstituer la violence dans d'autres villes.
La réaction des autorités est variable : parfois elles encouragent les massacres, comme à Meaux où c’est le procureur du roi qui en donne le signal, ou encore à Bordeaux (le massacre est organisé par le Parlement),
Toulouse (le duc de Joyeuse, gouverneur, y est très favorable).
Assez souvent, elles tentent de protéger les huguenots, en les mettant
en prison (au Mans, à Tours). Cela ne marche pas toujours, et les prisons
sont forcées et les protestants y sont massacrés (comme à Lyon, Rouen,
Albi). Les gouverneurs militaires contredisent ceux qui prétendent que le roi ordonne et approuve les massacres (ce qui ne suffit pas toujours à les empêcher).
Au total, le nombre de morts est estimé à 2 000 à Paris, et de 5 000 à 10 000 dans toute la France.
En apprenant la nouvelle du massacre, le pape Grégoire XIII fit chanter un
Te Deum et une médaille à l'effigie du souverain pontife fut frappée afin de
célébrer l'évènement. Grégoire XIII commanda également au peintre Vasari une série de fresques relatant le massacre (ci-dessus, un détail de la
peinture toujours présente dans la
Sala Regia au Vatican).
Philippe II d'Espagne fit part de sa satisfaction et aurait déclaré : "C'est le plus beau jour de ma vie." Élisabeth Ire d'Angleterre prit le deuil et fit faire le pied de grue à l'ambassadeur français avant de paraître accepter, pour raisons diplomatiques, la thèse du complot huguenot et du "massacre préventif".
Le massacre de la Saint-Barthélemy déclencha la quatrième guerre de religion.
Tradition historiographique Le massacre de la Saint Barthélemy est devenu très tôt un enjeu historiographique. Devant les contradictions de la politique royale,
chacun y est allé de son interprétation. Chez les protestants, on incrimine le roi et la reine-mère coupables à leurs yeux de n’avoir pas su protéger les huguenots, voire d'avoir ordonné le massacre. Des écrivains comme d’Aubigné n’hésitent pas à exagérer les chiffres et à transformer l’évènement comme résultant du seul fait religieux.
Du côté des protagonistes catholiques, on cherche à se disculper en
rejetant la faute sur l’autre, c’est le cas du maréchal de Saulx-Tavannes, ou encore de Marguerite de Valois, qui dit n'avoir jamais rien su. En réalité, la complexité et la rapidité du drame fut telle que personne n’a jamais su vraiment saisir les différentes phases de son déroulement (De Thou). En revendiquant –tardivement– le massacre, Charles IX en est devenu le principal responsable devant la postérité. Une autre interprétation schématique du massacre consiste à n'en retenir que l'aspect religieux.
Sous la Révolution française, une pièce de théâtre qui le met en scène
connaît un grand succès :
Charles IX ou la Saint Barthélemy (1790) de Marie-Joseph Chénier. L’époque est à la déchristianisation et le massacre de la Saint-Barthélemy est utilisé pour vitupérer le fanatisme catholique. Au XIXe siècle, Alexandre Dumas pérennise cette tradition en romançant l’évènement.
Nouvelle orientation historiographique Si aujourd'hui, les historiens dissocient l'exécution des chefs protestants du massacre populaire proprement dit, ils débattent encore des responsabilités de la famille royale. L'enjeu est de connaître le degré de leur implication ou de leur inaction dans l'organisation du massacre.
- L'interprétation traditionnelle, soutenue par Janine Garrisson, fait de Catherine de Médicis et de ses conseillers catholiques les responsables principaux. Ils auraient forcé la main à un roi hésitant et velléitaire pour décider l'exécution des principaux chefs militaires.
- Denis Crouzet replace le massacre dans le contexte idéologique de l'époque : le néoplatonisme.
Charles IX et Catherine de Médicis n'ont pu avoir le dessein d'assassiner Coligny, car c'eût été contraire à leur désir de maintenir
l'harmonie autour de la personne royale. C'est une fois que l'assassinat consume la rupture et que la guerre civile menace de
nouveau l'équilibre, que la position du roi et de la reine mère change.
Par crainte de voir la guerre reprendre et la montée d'une insurrection
protestante, ils auraient choisi d'étouffer celles-ci dans l'œuf. Le principe néo-platonique cher à Catherine de Médicis qui tend à
conserver l'unité autour de la personne du roi, les a poussés à sacrifier les principaux chefs protestants et à consentir malgré eux au
massacre.
- Pour Jean-Louis Bourgeon, ce sont les Parisiens, les Guise et les agents du roi Philippe II d'Espagne qui sont les véritables responsables. Charles IX et Catherine de Médicis seraient absolument étrangers au massacre.
L'historien souligne l'état quasi-insurrectionnel de la ville au moment
du mariage. En décembre 1571, plusieurs maisons protestantes avaient déjà été pillées. Les Guise, très populaires à Paris, ont profité de cette situation pour faire pression sur le roi et la reine-mère.
Charles IX aurait donc été contraint de précéder la future émeute, qui
aurait été le fait des Guise, de la milice bourgeoise et du peuple.
- Selon Thierry Wanegffelen, l'un des principaux responsables de la famille royale dans cette affaire est le duc d'Anjou.
À la suite de l'attentat manqué contre l’amiral de Coligny, qu’il
attribue aux Guise et à l'Espagne, les conseillers italiens de Catherine de Médicis ont sans doute préconisé en Conseil royal le meurtre d'une
cinquantaine de chefs protestants pour profiter de l'occasion d'éliminer le danger huguenot, mais la reine mère et le roi s'y sont
très fermement opposés. Cependant Henri d'Anjou, lieutenant général du royaume, présent à cette séance du Conseil, a pu voir dans
l'accomplissement de ce crime d’État une bonne occasion de s'imposer au gouvernement. Il a pris contact avec un autre jeune homme ambitieux, en mal d'autorité et de pouvoir, le duc Henri de Guise (dont l'oncle, le clairvoyant cardinal Charles de Lorraine était alors retenu à Rome), et avec les autorités parisiennes. La Saint-Barthélemy parisienne est issue de cette conjonction d'intérêts, et elle s'explique d'autant mieux que les hommes du duc d'Anjou agissaient au nom du lieutenant général du royaume, donc dans les mentalités de l'époque, au nom du roi. On comprend pourquoi, le lendemain du déclenchement du massacre, Catherine de Médicis ait fait condamner par déclaration royale de Charles IX les crimes, et ait menacé les Guise de la justice royale.
Mais lorsque Charles IX et sa mère ont appris l'implication du duc d'Anjou, ils se sont trouvés liés à son entreprise, si bien qu'une
seconde déclaration royale, tout en demandant la fin des massacres, en prête l'initiative à la volonté de Charles IX de prévenir un complot
protestant. Dans un premier temps le coup d’État de Henri d'Anjou est
un succès, mais Catherine de Médicis se serait ingénié à l'écarter du
pouvoir en France : elle l'envoie avec l'armée royale s'enliser devant
La Rochelle et le fait élire roi de Pologne.
source : wikipedia