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 LE DIABLE A YQUEM : Bernard Clavel

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~Dominique~
Grisettes de Montpellier
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~Dominique~


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MessageSujet: LE DIABLE A YQUEM : Bernard Clavel   LE DIABLE A YQUEM : Bernard Clavel Icon_minitimeMar 13 Nov - 19:46

LE DIABLE A YQUEM
Bernard Clavel

Un beau soir d'été, le
diable se promenait sur la route qui mène à Yquem. A
l'époque, il n'y avait pas de château, mais une simple
maison appartenant à un vigneron nommé Alexandre.
C'était un bon bougre qui s'escrimait de l'aube à la
nuit sur un lopin de terre où poussait de la vigne. Ces
ceps qu'il avait eu bien du mal à faire prendre et qu'il
soignait avec amour ne donnaient que peu de raisin.
Alexandre en tirait un vin ordinaire qui, bon an mal an,
lui permettait à peine de faire vivre sa femme
Ségolène, sa fille de dix-huit ans Isabelle, et deux
garnements un peu plus jeunes de dix et onze ans,
paresseux, menteurs, bons à rien et qui mangeaient comme
quatre.
Donc, quand
le diable vint à passer, Isabelle rentrait chargée
d'une botte d'herbe qu'elle avait coupée pour les
lapins. Dès qu'il vit son visage, le démon se sentit le
coeur transpercé. Depuis des millénaires qu'il prenait
chaque année ses vacances sur la terre, jamais encore il
n'avait rencontré créature aussi séduisante. - Enfant,
s'écria-t-il, ce travail n'est pas pour toi, laisse
cette herbe et suis-moi, je t'offre un royaume.

La jeune fille éclata
d'un rire qui la fit plus radieuse encore et plus
désirable.

- Des beaux parleurs dans
votre genre, monsieur, j'en rencontre chaque fois que je
vais au bal. Mais le royaume qu'ils promettent ne vaut
pas trois sols!

Satan, à qui personne ne
s'était jamais adressé en pareils termes, se sentit
littéralement transporté. Non seulement cette créature
était la beauté même, mais elle se permettait de se
moquer de lui! Vraiment, jamais il n'avait espéré
pareille rencontre. Et, par une chance inouïe, la belle
était pauvre. Elle portait un fardeau et sa robe était
reprisée en plusieurs endroits. Comme elle continuait
son chemin, le diable se planta devant elle, barrant de
ses longs bras écartés tout l'étroit sentier.

- Laissez-moi passer, je
suis pressée!

- Ecoute-moi,, je te jure
que je ferai de toi la femme la plus riche et la plus
puissante du monde. Et tes parents pourront quitter leur
bicoque pour habiter le plus beau des châteaux.


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~Dominique~
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MessageSujet: Re: LE DIABLE A YQUEM : Bernard Clavel   LE DIABLE A YQUEM : Bernard Clavel Icon_minitimeMar 13 Nov - 19:48

- Vous m'ennuyez avec
votre baratin, laissez-moi passer!

Comme il s'avançait pour
la prendre dans ses bras, elle tira une tige de ronce de
la gerbe qu'elle portait et lui frappa le visage. Les
épines griffèrent la peau mais, au lieu d'en extraire
des gouttes de sang, elles en firent jaillir des
étincelles. Isabelle eut un mouvement de recul. Il lui
sembla qu'un peu de fumée sortait des oreilles de son
interlocuteur dont les yeux luisaient comme des braises.

Satan était au comble du
bonheur. Personne jamais n'avait osé le frapper et la
première qui se permettait de le faire était la femme
la plus séduisante qu'il eût jamais rencontrée.

S'écartant pour la
laisser passer, il soupira: - Tu seras ma femme... Je le
veux!

Il la regarda s'en aller
dans la lumière du soir. Le ciel était aussi rouge que
le brasier de l'enfer et le diable ne put s'empêcher
d'imaginer la belle entrant en son royaume vêtue d'une
robe de feu dont la traîne serait des étoiles.

Comme il réfléchissait
très vite, il avait déjà échafaudé son plan.

Il passa la nuit à errer
autour de la pauvre demeure d'Alexandre le vigneron. Il
imaginait la belle dormant sur une paillasse alors qu'il
eût tant aimé la couvrir d'or, de perles et de charbons
ardents. Plusieurs fois, il fut tenté de mettre le feu
à la maison, mais il se dit que ce n’était sans
doute pas le meilleur moyen d'arriver à ses fins.

A aube, alors qu'un peu de
brume mauve dormait encore dans le bas-fond, Satan vit le
vigneron sortir de sa maison, une pioche sur l'épaule,
un panier au bras. Se cachant derrière les ceps, le dos
courbé, il le suivit. Alexandre marcha jusqu'au bas de
sa vigne, posa son panier au pied d'un buisson et se mit
à piocher. Couché à l'ombre d'un roncier, le diable
l'observait.

Les vapeurs de la nuit
s'étant vite dissipées, le soleil monta dans le ciel
tout neuf et se mit à griller le dos courbé du
vigneron. Satan souriait en grognant d'aise.

Tape, mon bonhomme, quand
tu crèveras de chaleur, on parlera.

L'homme piocha la terre
caillouteuse sur trois rangs de vigne avant de s'asseoir
près de son panier d'où il tira une petite outre. Il
but longuement. Il allait se lever et reprendre sa pioche
quand l'autre se montra.

- Salut, vigneron, une
vraie chaleur d'enfer!

Alexandre avait une bonne
tête avec de grosses moustaches, et un regard bleu,
clair et franc.

- On a vu pire, fit-il.
- Tout de même, c'est une
vie pénible.

- Je n'ai pas à me
plaindre. Je connais bien des gens plus malheureux que
moi.

- Mais il y en a aussi qui
sont plus heureux.

Le vigneron réfléchit
quelques instants avant de répondre:

- Probablement. Mais moi,
je ne regarde jamais de ce côté-là. L'envie vous
gâche l'existence. Je vais mon chemin sans m'occuper des
autres.

Satan n'avait pas prévu
pareille réaction. Décidément, le père n'était
guère plus facile à manipuler que la fille. Au moins,
il était moins violent.

Quelques minutes
coulèrent. Des oiseaux chantèrent dans la grande
lumière.

- Et vous, demanda
Alexandre, qu'est-ce que vous faites, dans la vie?

Le diable faillit
répondre qu'il était le roi de l'enfer, mais il se
mordit la langue juste à temps.

- Je suis le propriétaire
d'un domaine du Sud. Il y fait plus chaud qu'ici, mais on
peut y vivre sans travailler.

Le vigneron eut un
hochement de tête et une grimace pour répliquer:

- Sauf votre respect,
dites donc, on doit rudement s'emmerder, chez vous!

- Pourquoi donc? Il y a
des tas de distractions. Le vigneron semblait peu
crédule.


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~Dominique~
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MessageSujet: Re: LE DIABLE A YQUEM : Bernard Clavel   LE DIABLE A YQUEM : Bernard Clavel Icon_minitimeMar 13 Nov - 19:54

- Est-ce qu'on y cultive

de la vigne?


- Mais bien entendu!

s'empressa de répondre le diable qui n'était pas à un

mensonge près.


- Alors, les vignerons ne

sont pas sans rien faire! - Bien sûr que non. Je pense

justement qu'un homme de votre trempe pourrait très bien

être le chef de tous mes vignerons.


Alexandre fit une moue,

lissa ses moustaches d'un coup de main et sembla se

plonger dans une profonde méditation. Le diable crut bon

d'insister:


- Un homme comme vous

ferait fortune très vite et...


L'autre l'interrompit:

- Oh là, monsieur, pas de

grands mots, s'il vous plaît! La vigne, ça dépend de

l'humeur du ciel et des saisons. On ne fait pas fortune

si facilement que ça ! Là encore, le diable fut à deux

doigts de commettre une bourde en parlant du petit

personnel qu'il faut savoir mener à coups de fourche à

braise, mais il se reprit et dit simplement:


- Un très bon vigneron

capable de conduire une équipe et d'enseigner le métier

pourrait...


L'air soupçonneux,

Alexandre regarda le diable d'un peu plus près et flaira

l'odeur de grillé qui se dégageait de sa longue cape

noire liserée d'or.


- Dites-moi, monsieur

l'étranger, comment pouvez-vous savoir si je suis bon ou

mauvais vigneron?


Le démon se tourna vers

la vigne et, d'un large geste de son bras, il désigna

l'alignement parfait des ceps bien taillés et la terre

propre comme un sou neuf.


- Il suffit d'un regard à

votre vigne.


Le brave homme se

redressa. Le compliment le touchait dans ce qu'il avait

de plus précieux: sa dignité de vigneron. Bien que

l'inconnu ne lui inspirât pas grande confiance, il posa

sa pioche contre un piquet en disant:


Tout de même, pour juger,

vous devez venir déguster mon vin.


Et il entraîna l'inconnu

vers son chai. Comme ils y arrivaient, Isabelle qui les

avait vus monter se hâta de rentrer se cacher dans la

maison. Ayant goûté, le démon réussit, au prix d'un

effort considérable, à ne pas faire la grimace:


Quelle merveille! Un vin

pareil est une véritable oeuvre d’art!


Le maître des lieux se

rengorgeait:


- En plus, il est à un

prix très abordable.


- Peu importe le prix, je

suis acheteur de toute la récolte à venir!


- Ah! Monsieur, vous me

comblez de bonheur. Je vais pouvoir enfin doter ma fille.


Satan eut un tel hoquet

que le vigneron s'inquiéta:


- Est-ce mon vin qui ne

passe pas?


- Au contraire, il est...

- Eh bien tenez, il faut

en boire une pleine coupe sans respirer, ça tue le

hoquet.


Le diable fut obligé de

s'exécuter. Habitué à se nourrir de charbons tout

vifs, il crut pourtant que son estomac allait être

percé tant ce breuvage était acide. Terrorisé à

l'idée d'en boire encore, il prétexta un rendez-vous

d'affaires et s'éclipsa rapidement.


Dès qu'il eut disparu,

Isabelle, qui guettait derrière les volets mi-clos, se

précipita et raconta à son père sa rencontre avec

l'inconnu.


- Ah, le salopard, fit le

père. Qu'il revienne me parler d'acheter ma récolte, je

vais le recevoir, l'animal!


Les semaines passèrent.

Le diable, qui pensait avoir l'éternité devant lui,

avait choisi de ne pas brusquer les choses. Il se

contenta donc de surveiller de loin la jeune fille à qui

il fit simplement porter plusieurs fois des gerbes de

roses. Isabelle, qui se doutait bien que l'inconnu la

guettait, sortit chaque fois avec les fleurs qu'elle alla

donner à ses cochons. Mortifié, le démon grinçait:


Va toujours, ma belle,

rira bien qui rira le dernier!


Il avait mûri son plan.

Il ruinerait le vigneron à qui il offrirait ensuite un

domaine contre la main de sa fille.


Ah, ricanait-il, tu veux

me vendre ta récolte, eh bien, il n'y aura pas de

récolte, mon gaillard!


La saison avait été

splendide. Le raisin était en abondance et un beau

soleil le dorait à souhait.


Un jour, depuis sa

cachette, le diable vit Alexandre préparer sa charrette

avec, dessus, tout le matériel destiné aux vendanges.

Il le vit interroger du regard le ciel au couchant.

Quelques lueurs rouges montaient de l'océan.


- Rougeurs du soir

emplissent les abreuvoirs et vident le pressoir! lança

Satan au vent qui se levait sur la mer.


Car il détenait le

pouvoir de faire la pluie et le beau temps. Un pouvoir

qu'il partageait avec le bon Dieu, mais c'était une

époque où un grand nombre de choses restaient à créer

et à organiser. Le pauvre, un peu débordé, ne pouvait

avoir l'oeil partout. Le diable profita d'un moment où

son rival était très occupé en Chine, pour déclencher

la colère des éléments sur les coteaux du Sauternais.

Pluie, coups de soleil violents, brouillard à couper à

la faucille, éclaircies, tout ce qui pouvait le mieux

favoriser la pourriture du raisin.


Le pauvre Alexandre et ses

voisins se lamentaient d'autant plus fort que le mauvais

temps était très localisé. Sur l'autre rive du fleuve

comme en aval, on vendangeait sous un soleil splendide.


- Ah ! ricanait Satan, tu

voulais me vendre ta récolte à prix d'or, cours

toujours... Tu n'auras même pas à vendanger!


Mais le vigneron était

aussi têtu que sa fille était belle. Avec toute sa

famille, profitant de chaque éclaircie, il cueillait le

raisin. Les voisins disaient:


Il est fou, c'est se

donner bien du mal pour rien. Ça ne fera jamais du vin.


Mais Alexandre disait à

sa femme et à ses enfants:


Cet homme noir s'est

engagé à m'acheter ma récolte, il n'a pas parlé de

qualité: il paiera!


La femme faisait la

grimace.


De la fourniture

pareille...


Cueille toujours, on verra

bien.


Et, durant plus de trois

semaines, souvent trempés jusqu'aux os, ils

vendangèrent, allant jusqu'à ramasser par terre les

grains de raisin éparpillés. On pressa, on mit en

cuves, on patienta et on goûta ce qu'on s'attendait à

recracher tout de suite.


Là, les regards

s'allumèrent. Jamais personne n'avait bu pareille

merveille. Ce n'était plus du vin, c'était un breuvage

divin.


Les voisins appelés à

déguster furent émerveillés. Et, sans attendre, tous

se précipitèrent dans les vignes pour récolter ce qui

pouvait encore l'être.


Bien entendu, le diable

eut vent de la chose. Des gens qu'il rencontra lui

expliquèrent que personne, jamais, n'avait réussi un

vin d'une telle splendeur.


A Bordeaux aussi le bruit

s'en répandit et les amateurs commencèrent à arriver.

Comme le vin d'Alexandre dominait tous les autres, on se

mit à lui offrir des sommes considérables. Voyant cela,

devant ce retournement du marché, le diable arriva un

beau soir et déclara:


- Pas question! J'ai

acheté la récolte avant les vendanges. Ce vin est à

moi. Je paie et je...


Il n'eut pas le temps d'en

dire davantage. Le vigneron, ses deux fils, sa femme, sa

fille et quelques voisins qui se trouvaient là se

précipitèrent sur lui et lé ficelèrent comme un rôti

de porc. Ils furent très étonnés de voir que la corde

qu'ils avaient utilisée commençait à prendre feu.


Heureusement, une énorme

chaîne se trouvait dans la grange. On attacha le diable

et, alors que la chaîne rougissait, on alla le lancer

dans le ruisseau le plus proche. Aussitôt, l'eau se mit

à bouillonner et il en monta une épaisse vapeur.


Les vignerons comprirent

qu'ils venaient de noyer une créature infernale et

baptisèrent ce ruisseau le Diableron.


Depuis, les hommes qui

aiment toujours aller au plus court et qui ont perdu le

sens de la grandeur l'ont appelé le Ciron' Il n'empêche

que, très souvent, on voit monter encore de la vapeur

qui envahit les vignes et active la pourriture du raisin.

Les gens s’en réjouissent qui savent très bien que

seul le diable détient le pouvoir de donner un vin aussi

merveilleux... Le diable, ou le bon Dieu quand il n'est

pas occupé aux cinq cents diables...
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Kali.SsBbw
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MessageSujet: Re: LE DIABLE A YQUEM : Bernard Clavel   LE DIABLE A YQUEM : Bernard Clavel Icon_minitimeJeu 15 Nov - 18:33

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